Interview

Kelly Rangama & Thibault Spiwack Lumière sur deux jeunes chefs prometteurs

Focus sur deux restaurants, le Faham de Kelly Rangama, une table étoilée qui propose une cuisine française teintée d’exotisme et Anona de Thibault Spiwack qui prône les produits du terroir d’Ile de France dans une démarche éco responsable. Rencontre avec les deux chefs.

Le Faham

108, rue Cardinet, 75017 Paris Tel : 01 53 81 48 18 lefaham.com/
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Anona – Thibaut Spiwack

80, boulevard des Batignolles, 75017 Paris www.anona.fr/
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Kelly Rangama

Sa participation à Top Chef, en 2017, a propulsé sur le devant de la scène Kelly Rangama. Une notoriété qui lui a permis d’animer une émission de télévision, mais c’est grâce à son travail, sa ténacité qu’elle a pu ouvrir son propre restaurant Le Faham. Une réussite qu’elle tient à partager avec son époux, le chef pâtissier Jérôme Devreese.

Kelly Rangama est loin d’être une novice en matière de cuisine gastronomique. Elle a déjà fait ses armes auprès de grands chefs comme Michel Portos ou Thomas Boullault, avant de parfaire ses gammes en solo aux pianos du restaurant Boutary à Saint-Germain-des-Prés.

Enfant, elle rôdait souvent dans la cuisine, aux côtés de son père adepte de bons plats : « C’est une transmission inconsciente de sa part et entre mes 18 et 19 ans j’ai eu un déclic : j’ai commencé à me passionner pour les émissions culinaires, et tout ce qui va avec… Et là c’était parti ! »

À 23 ans, avec un CAP de cuisine et un diplôme de Ferrandi section “restaurateur” en poche, la jeune Réunionnaise gravit les échelons un à un, avec une ténacité et une détermination qui laissent deviner que malgré la douceur et la spontanéité de son large sourire, Kelly Rangama ne lâche jamais rien. Je considère que l’évolution professionnelle, on ne la doit qu’à soi-même, à son acharnement, sa “niaque”, sa motivation à tout donner. »

Se mettre à son compte, et devenir son propre patron, c’est un tout autre métier, et de toutes autres responsabilités, au-delà de la liberté que cela permet : « Liberté, oui, c’est le cas de le dire. Être chez soi, ça n’a pas de prix – enfin si quand même – mais c’est un sentiment bien spécifique, il faut le vivre pour le comprendre. Mais c’est aussi des contraintes, comme dans tout corps de métier… à commencer par la paperasse ! »

Elle insiste pour partager les lauriers de sa réussite avec son mari, Jérôme Devreese : « J’aimerais que l’on parle de « nous », plus que de « moi ». Le Faham ce n’est pas que Kelly, c’est également Jérôme mon époux, le chef pâtissier. Et j’aimerais que l’on se souvienne de nous comme d’un couple qui a su rappeler aux gens ce que signifiait épicé, relevé, pimenté. Je me souviens encore de nos premiers services, lorsqu’on expliquait aux clients que notre cuisine était une alliance entre la cuisine française et nos épices ultramarines : ils pensaient tous que notre cuisine était donc forcément pimentée. Déjà on démarre mal, car « épicé » et « pimenté », ce sont des choses complètement différentes ! »

« Je travaille mes produits sur les bases de la cuisine française, j’y ajoute mon univers, ma touche ultramarine, des produits que je source sur mon île… mais pas que : j’aime aussi tester des ingrédients que j’ai eu la chance de découvrir lors de mes road-trips culinaires, pour mon émission « Voyages & délices by Chef Kelly » » Une belle cuisine que les aficionados du Faham seront heureux de retrouver

Thibaut Spiwack,
Thibaut Spiwack a ouvert à pas de velours, en novembre 2018, la première table parisienne assurément vertueuse à tous points de vue.

Rien ne prédestinait le jeune Francilien Thibaut Spiwack à la cuisine : « J’ai suivi un cursus scientifique jusqu’en première générale puis, sur un coup de tête, je me suis inscrit dans une école de cuisine avec l’envie de faire quelque chose d’utile. Au départ, faire plaisir aux gens me paraissait encore plus important que de faire à manger : je suis tout de suite tombé amoureux de ce métier. »

Il passe un CAP en candidat libre, puis un BEP et enfin un Bac Pro, avant d’enchaîner les expériences auprès de quelques grands chefs (Briffard, Legendre, Banctel, Senderens, Ducasse…).

Aujourd’hui à son compte dans son restaurant Anona, et bien que de nature humble et discrète, Thibaut s’est rapidement fait remarquer par les gourmands parisiens et la presse gastronomique qui n’ont pas tardé à saluer le parti pris éco-responsable à 360° de sa petite entreprise, aux antipodes des concepts bobos à gogo. Le bois utilisé pour la fabrication du mobilier provient exclusivement d’Île-de-France, le plastique est limité au maximum (ne cherchez pas de pailles, il n’y en aura jamais chez Anona !), électricité verte issue d’énergies renouvelables, matériel favorisant les économies d’eau, produits d’entretien biologiques et biodégradables, utilisation de l’intégralité des ingrédients (épluchures comprises !) pour limiter le gaspillage…

Ce qui est fou, c’est qu’on en a fait un argument de communication alors que c’est la base même de la vie. Autrefois, tout était bio et de saison : nous revenons juste aux fondamentaux ! »

Le ciment de ce credo écologique s’est formé au cours de son passage dans les grands restaurants étoilés où il a fait ses classes : « Dans certaines des grandes maisons où j’ai travaillé, la qualité primait tout le reste. Quitte à jeter des centaines de kilos de nourriture ! Pour moi, l’écologie dans les cuisines, c’est juste logique. Si, aujourd’hui, on se sent obligé d’en parler, c’est parce qu’il y a eu beaucoup trop de dérapages. Les mondes de la restauration et de l’industrie agroalimentaire sont allés beaucoup trop loin », conclut-il avec conviction. Sa vraie liberté, depuis qu’il est à son compte, c’est de pouvoir être encore plus à l’écoute de sa clientèle et de ses équipes, pour améliorer chaque jour un peu plus l’esprit de son restaurant. « Le secret, c’est de ne jamais rester sur ses acquis », ajoute-t-il. Un leitmotiv qui lui permet de continuer à garder le cap.

Par Manuel Mariani - Publié le

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