Interview

Pauline Séné, Le terroir et les saisons en héritage

Fille d’un grossiste de Rungis et petite-fille de maraîchers, Pauline Séné a le terroir ancré au fond de ses casseroles. Sa passion pour la cuisine naît dès ses 12 ans avec ses mère et grand-mère. Auprès de chefs étoilés comme Alain Pégouret ou Éric Béchade, elle apprend le métier et l’organisation d’une cuisine.

Vos grands-parents étaient maraîchers. Est-ce cela qui vous a conduit au locavorisme ?

Absolument. Je choisis la majorité de mes produits dans cette démarche locavore, et écoresponsable. On se doit de travailler intelligemment, et d’utiliser les bons produits aux bons moments, c’est-à-dire de saison.

Justement, quelle est votre saison préférée ?

L’été. J’ai une passion pour les tomates, les courgettes, les aubergines. C’est plus facile de créer : tout est plus coloré…

Pourtant, l’un de vos plats signature est né en hiver…

Oui, l’hiver dernier, je préparais un oignon rôti avec une poêlée de champignons, condiment ail noir, jus de viande, siphon parmesan, et chapelure de seigle. Je voulais que l’oignon soit au centre du plat. Que ce soit la star de l’assiette ! Que cet oignon en fasse un plat rassurant mais aussi déroutant.

D’où vous viennent toutes vos idées ?

Je regarde avant tout les produits du moment. Rien que du français et en agriculture raisonnée. Ensuite, je construis mes recettes, en me laissant guider par mes envies. Et puis je me replonge dans mes livres pour trouver des inspirations.

Êtes-vous attentive aux tendances culinaires ?

Bien sûr. Je regarde tout ce qui peut se faire, mais en gardant de la distance pour ne pas tomber dans la copie inconsciente. Je trouve qu’il y a parfois une certaine uniformisation de la cuisine. Cela reste malgré tout un moyen formidable pour être au fait de ce qui se passe ailleurs.

Vous faites une cuisine d’auteur, donc ?

Oui certainement, mais je n’aime pas trop coller des étiquettes. Je n’invente rien, je cuisine selon mes envies et mes inspirations. J’essaie d’avoir un peu de bon sens et de créativité dans ce que je fais et d’être dans le respect du produit. Ma cuisine se base souvent sur des classiques français que j’aime twister. Un jour on m’a dit que j’avais une cuisine “qui n’était pas à la mode”. C’est ce qui la rend originale je pense, elle parle à tout le monde, au-delà des générations.

Restaurant Fripon

108, rue de Ménilmontant, 20e Tel : 09 81 89 27 40
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Vos clients vous font-ils souvent des commentaires “inspirés” sur votre cuisine ?

Cela arrive. Mon plus beau souvenir de chef, c’est quand une cliente m’a dit « C’est tellement bon, que j’en oublie tous mes soucis. » Cela m’a énormément touchée, elle avait résumé en une seule phrase les raisons pour lesquelles je fais ce métier !

Quel est votre plus grand souvenir de table ?

C’était chez Alexandre Mazzia. Je n’ai pas un plat qui me revienne en tête, car tout était tellement complexe et travaillé. Je ne saurais même pas expliquer ce que j’ai mangé, mais c’était dingue : un moment magique. Plus récemment, j’ai dégusté la cervelle au beurre citronné de Raquel Carena (N.D.L.R. : chef du Baratin dans le 20e à Paris), et ça m’a mis une vraie claque.

Comment avez-vous vécu la pandémie, lorsque les restaurants étaient fermés ?

Pour moi, ça a été une période très compliquée, je n’avais pas de travail, j’ai fait des extras, j’ai travaillé pour quelques associations, mais j’ai surtout beaucoup réfléchi, car c’est la première fois que je me trouvais à l’arrêt total, sans perspectives, sans rien. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis inscrite à Top Chef : je trouvais le moment idéal pour me confronter à un challenge de ce genre.

Cela vous a-t-il fait gagner du temps dans votre carrière ?

En quelque sorte oui, c’est difficile à dire. Bien entendu, cela permet plus de retombées médiatiques et de visibilité que les autres chefs. Forcément, cela nous rend plus attrayants et donc plus prisés pour certains postes. Top Chef nous met en lumière, c’est certain. Mais je pense que si j’en suis là c’est surtout grâce au travail et à la passion pour mon métier.

Les réseaux sociaux sont de plus en plus présents au quotidien. Un chef peut-il exister sans eux ?

Ma réponse, c’est un grand OUI. Je communique très rarement sur les réseaux sociaux, déjà parce que je n’ai pas le temps, mais surtout parce que je n’aime pas beaucoup ça. Se mettre en scène, faire la bonne photo, le bon commentaire… c’est un autre métier qui n’est pas le mien : moi, je fais la cuisine. Je suis très contente de voir qu’il y a beaucoup de bouche-à-oreille. C’est “à l’ancienne” et ça me plaît vraiment, que les gens viennent pour mon travail, plutôt que pour ma super photo postée la veille ! Mais je reste consciente que les réseaux sociaux restent un passage obligé pour se faire connaître… à utiliser avec modération, donc !

Comment aimeriez-vous que l’on se souvienne de votre cuisine, le jour où vous raccrocherez vos casseroles ?

Comme un de leur meilleur souvenir de restaurant, une cuisine sincère et touchante (voire intemporelle) mais c’est beaucoup demander !

pauline séné restaurant fripon paris
Par Manuel Mariani - Publié le

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