Avec Vincent Darré la création est spectacle
Vincent Darré a eu plusieurs vies, la mode d’abord, l’architecture d’intérieur, la création de mobilier et la scénographie aujourd’hui, mais un dénominateur commun les relie : une créativité en ébullition qui ne se contraint jamais, n’aime les limites que pour les franchir et s’en affranchir. « J’ai quitté la mode pour avoir la liberté de réaliser mes rêves d’enfant, d’explorer mes fantasmes sans contraintes. Chaque nouveau projet est l’occasion de m’aventurer en territoire inconnu », explique le designer dont l’œuvre ne se cantonne jamais. Elle circule, de l’objet à la décoration d’intérieur d’une demeure privée, d’un bar (l’inclassable Serpent à Plumes place des Vosges) ou d’un restaurant (le Café du Canal, qui ouvrira bientôt ses portes sur le Canal Saint-Martin), à la création de costumes de scène ou à l’aménagement d’un showroom, comme celui de la maison De Gournay, pour laquelle il signe par ailleurs trois sublimes papiers peints. L’art est son fil rouge, son amour pour les artistes entiers est sa boussole, qu’il s’agisse de Karl Lagerfeld dont il fut le bras droit, de Cocteau ou de Dalí, dont il a la fantaisie et le grain de folie. Il a d’ailleurs rendu hommage à ce dernier en 2010, avec la collection de mobilier À l’Eau Dalí, qui rassemblait des pièces extravagantes inspirées d’une faune aquatique. Dessinée les nuits sans sommeil, sa dernière collection Insomniac, dont est extrait le buffet Buffalo – bijou d’ébénisterie sous son allure bonhomme – est la traduction de ses rêves.
« J’aime la pérennité du mobilier. Ça m’amuse de penser qu’un jour, dans le futur, quelqu’un verra un meuble langouste aux Puces et se dira “ Quel est le fou qui a fait ça ?” Mais qu’on ne s’y trompe pas, j’aime aussi le XVIIIe, le baroque, la Renaissance et notamment toutes les recherches et études réalisées à l’époque sur les perspectives et la métaphysique. » Derrière chaque pièce signée Vincent Darré, il y a la belle facture des artisans d’art les plus doués de leur génération. Il les célèbre aujourd’hui en scénographiant l’exposition “Psychanalyse d’un meuble à quatre pattes”, à la demande du collectif l’Ameublement Français, qui réunit à La Monnaie de Paris treize des plus belles manufactures du pays, de mobilier, de luminaires, de tapisserie, de laque, d’ébénisterie, de bronzerie, de ferronnerie… « Comme pour une autopsie, j’ai voulu mettre le meuble à nu, expliquer sa trajectoire, montrer que les grands artisans sont des artistes à part entière, dans leur capacité à transformer une matière pour la rendre extraordinaire. Pour donner une cohérence à l’ensemble, je suis parti de l’idée d’un cabinet de curiosité, tout en dépoussiérant le genre, pour littéralement absorber le visiteur dans un univers hors de la réalité. »