Interview

Melody Gardot La “Melody” envoûtante de la diva du jazz

Bio Express

Bio Express

  • Naissance aux États-Unis, dans le New Jersey.
  • Fan de Duke Ellington et des Mamas and the Papas, Melody se produit occasionnellement dans des bars de Philadelphie, ville où elle grandit sans penser à en faire un métier.
  • Renversée à vélo par une voiture qui la laisse pour morte, Melody restera longtemps très lourdement handicapée physiquement et neurologiquement. Elle entame une thérapie par la musique et, toujours alitée, enregistre un mini-album de six titres entre jazz, folk et pop.
  • Repérée par le DJ d’une radio locale (également à l’origine du succès de Norah Jones), elle se voit offrir un contrat sur le label Records. Elle écrit et compose un album qui sort en 2006 aux USA et en 2008 en France. Succès immédiat.
  • My One and Only Thrill est l’un des gros succès de ventes de jazz de l’année.
  • The Absence se pare de nouvelles couleurs latines.
  • Currency of Man revisite la soul teintée de gospel.
  • Sortie de Sunset in the Blue, célébration orchestrale de ses racines jazz
Melody Gardot a le cœur qui balance entre l’Amérique, où elle est née, et Paris qu’elle adore et où elle possède désormais un pied-à-terre. C’est d’ailleurs dans la capitale qu’elle a vécu le premier confinement et en a profité pour concocter son nouvel album : Sunset in the Blue.

From Paris with Love, le single de votre nouvel album, s’est réalisé dans des conditions très spéciales…

Oui, parce que j’ai recruté mes musiciens sur les réseaux sociaux, essentiellement les instruments à cordes et à vent. J’étais confinée à Paris lorsque j’ai eu l’idée de ce projet que je voyais comme un petit phare consistant à briser le silence assourdissant dans lequel les arts étaient plongés. J’ai eu la chance que Decca, ma maison de disques m’accompagne et soutienne ce projet. Nous avons eu l’idée de cet orchestre mondial, composé d’une soixantaine de musiciens, pour toucher le plus de monde possible, donner du travail à des gens dont la situation financière et psychologique était très difficile. Chacun a enregistré de son côté. Lorsque Sting et moi interprétons Little Something en duo sur l’album, il faut savoir que nous ne nous sommes pas rencontrés non plus ! Les droits engendrés par ce single sont reversés au collectif #ProtègeTonSoignant.

Pouvez-vous dire, comme Joséphine Baker, que vous avez deux amours: votre pays et Paris?

Oui, je pourrais dire cela ! Mais aussi que mon amour s’étend à la planète entière. J’ai déjà vécu au Brésil, en Espagne, en Argentine, au Portugal en y apprenant à chaque fois la langue du pays. Depuis mon accident, j’ai une soif de bouger, d’apprendre sans cesse des choses nouvelles ! Lorsque je voyage, ce n’est pas pour me balader et faire du tourisme classique, mais pour acquérir de nouvelles connaissances. Ma curiosité est immense et je reste très humble.

Et vous embarquez à chaque fois avec votre maison sur le dos?

Pas du tout. Ma vie tient en deux valises en permanence, à l’exception d’une troisième où je mets mes tenues de scène lorsque je suis en tournée. Dans la vie quotidienne, je ne possède presque rien, je suis très minimaliste. Quand je mets une écharpe, c’est un cadeau de quelqu’un que j’aime et que je considère comme un câlin autour de mon cou.

En observant votre trajectoire, on ne peut s’empêcher d’établir un parallèle avec Frida Kahlo: les accidents dramatiques dont vous avez été victimes toutes les deux ont totalement modifié votre destin…

C’est vrai, on me l’a déjà dit. Je n’avais que 19 ans lorsqu’à vélo, j’ai été renversée par un chauffard qui a pris la fuite en me laissant pour morte. J’ai passé plus d’un an sur un lit d’hôpital, ne pouvant plus bouger que mes mains. Je ne parlais plus, il me fallait des prothèses pour entendre et j’avais perdu la mémoire. J’étais paralysée de la taille aux pieds et les médecins m’avaient dit que je ne remarcherai probablement jamais. Bizarrement, je n’ai jamais été triste. Je me disais : mes mains fonctionnent toujours, je pourrais donc toujours faire quelque chose ! Toutefois, dans ces moments si pénibles où j’étais complètement inerte dans une solitude totale, j’ai eu besoin d’un endroit où poser mes idées sans être jugée ou critiquée, de construire de belles pensées. La musique m’a servi à cela, mais pas une seconde je n’aurais pensé qu’elle serait jouée un jour. C’est grâce à la musique, et plus précisément à la musicothérapie, que j’ai pu reparler. Le pouvoir de la musique est immense. Elle fait disparaitre toutes tes douleurs. Tu plonges dans la musique et tu oublies tout ce qui te rend déprimé. Finalement, ce cataclysme m’a permis de me construire un nouvel univers.

Durant ces années d’épreuve, votre maman s’est montrée d’un soutien indéfectible.

Depuis l’enfance, j’entretiens avec ma mère une relation fusionnelle. Lorsque j’ai eu mon accident, elle a laissé tomber son travail pour s’occuper de moi constamment. Elle est devenue mon infirmière. Parce ce qu’il n’y a pas que les médicaments dans la vie, la guérison, c’est un tout. Je n’aurai pas assez de toute ma vie pour la remercier de tout ce qu’elle a toujours fait pour moi. La chose qui m’a rendue la plus heureuse, longtemps après mon accident, était de pouvoir enfin la serrer dans mes bras, elle et tous ceux que j’aimais. J’ai passé des années, 7 jours sur 7, à reconstruire cette vie perdue.

Vous possédez désormais un appartement à Paris. À quand remonte votre amour de la capitale?

Au plus loin que je m’en souvienne ! Paris a toujours été l’endroit où je voulais être et prononcer son nom suffit à me donner des frissons. Quelqu’un m’a dit que j’ai dû y habiter dans des vies antérieures. J’ai découvert la ville pour la première fois, accompagnée d’une amie, à l’âge de 23 ans alors que je me déplaçais encore en chaise roulante. Comme j’étais très fatiguée, je n’avais droit alors qu’à très peu d’heures de sortie. Nous sommes restées six jours et logions dans un minuscule hôtel du Marais. Je me souviens avoir dit à mon amie, la première fois que nous sommes sorties dans la rue : « Tu vois c’est drôle l’odeur de Paris m’est familière. » Puis une autre fois, alors qu’elle cherchait une librairie : « Je sais y aller, nous n’avons pas besoin du plan.  » Une expérience très troublante. Lorsque j’ai commencé à être connue, je ne suis plus venue à Paris que pour travailler car toutes mes tournées débutent par la capitale. Rendez-vous compte que je ne suis toujours pas allée au Louvre !

Malgré votre notoriété internationale, votre succès semble encore parfois vous étonner…

Tout à fait ! Sans doute parce que je n’ai jamais rêvé de faire de la scène. La dernière fois que je me suis produite à l’Olympia, il a y deux ans, j’étais si stupéfaite que la salle soit pleine que pour remercier les spectateurs, à la fin du spectacle j’ai offert une rose à chacun d’entre eux. Soit 2 500 roses !

Seriez-vous une femme romantique?

Totalement, et très sentimentale aussi. Voir une librairie qui ferme me fend le cœur. Lorsque j’arrive dans mon appartement parisien, je crée tout de suite une ambiance douce et poétique en installant une bougie, des livres que j’aime et un bouquet de fleurs. J’adore également me promener sous la pluie… Et puis, je considère que je suis une fille très chanceuse. J’ai la chance d’être aimée dans une ville que j’aime tellement ! Alors, comme la notion de partage est pour moi très importante, aux États-Unis et à Paris je fais de la musicothérapie auprès d‘enfants malades dans les hôpitaux. Je vais aussi dans les maisons de retraite. Je crois que personne ne peut mieux transmettre que quelqu’un qui a touché le fond.

Qu’enviez-vous aux Parisiennes?

La faculté d’être prête en quinze minutes et d’être très belle simplement avec un petit chignon noué sur la nuque et un rouge à lèvres très rouge… et la possibilité de sortir sans soutien-gorge ! (Rires). Sans oublier les femmes de 50 ans qui assument leur âge sans chirurgie esthétique, ce qui est inconcevable aux États-Unis. Pour moi, la vraie beauté est avant tout une question d’énergie et de confiance en soi.

Les bonnes adresses de Melody

Les bonnes adresses de Melody

  • Niché dans un hôtel particulier du quartier Montorgueil, un hammam dédié aux femmes, dirigé par Karima, une femme magnifique. Je peux y passer trois heures d’affilée. Leurs gommages sont exceptionnels. 22, rue Dussoubs, 2e. www.o-kari.com
  • Pour moi le plus beau fleuriste de Paris d’où j’adore faire envoyer des fleurs aux gens que j’aime. 103, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 8e. www.maisonlachaume.com
  • Une ou deux fois par an, je m’offre le plaisir de venir y déjeuner seule. Je vais chez lui comme dans un musée et je plonge dans son monde. Pour moi, Guy Savoy est un très grand artiste. Sa cuisine me bouleverse. Monnaie de Paris. 11, quai de Conti 6e. www.guysavoy.com
  • Je n’y achète que très rarement, mais j’adore me promener dans la boutique qui propose des équipements pour la maison assez remarquable. On y trouve aussi parfois des objets un peu kitch qui m’amusent. 117, rue du Bac, 7e. www.conranshop.fr
  • J’adore faire la cuisine et cette boucherie propose une viande exceptionnelle. Succulents poulets fermiers, bœuf en provenance de Normandie. Il m’arrive même de préparer un sanglier aux pruneaux ! 51, rue de Levis 17e. www.le-bourdonnec.com
  • Le long de la Seine, l’une de mes promenades favorites lorsqu’il fait beau. Je trouve que ces personnes mettent un temps infini à installer puis fermer leur étal et qu’il est important de les soutenir. On y fait d’étonnantes trouvailles comme des livres qui ont plus de cent ans et il me plaît beaucoup de lire des livres qui ont déjà été lus. Rive Droite, du Pont Marie au quai du Louvre et Rive Gauche, du quai de la Tournelle au quai Voltaire.
Par Caroline Rochmann - Publié le

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